Axe de recherche 2
L’axe 2 constitue le cœur des recherches de la Chaire EEM. La valeur ajoutée principale des travaux de la Chaire doit consister dans leur contribution à une meilleure compréhension des changements structuraux et réglementaires des marchés électriques européens. Cette compréhension approfondie doit se dégager de travaux universitaires qui formalisent, modélisent et analysent les enjeux des marchés électriques avec les méthodologies de l’économie industrielle, de l’économie des jeux et de l’économie institutionnelle. Le défi de cette formalisation sera d’exprimer de manière adéquate les stratégies des acteurs dans un environnement caractérisé par des fortes contraintes institutionnelles et techniques. Une attention particulière sera portée aux asymétries d’information et aux microstructures. Les acteurs dont il s’agit de définir la fonction objective ne sont pas seulement les entreprises du secteur de l’électricité mais également les régulateurs, la Commission européenne et les gouvernements nationaux.
Avec la loi NOME en France, la loi sur les énergies renouvelables (EEG) et la sortie unilatérale du nucléaire en Allemagne ainsi que le « White Paper » de la réforme du marché de l’électricité en Grande Bretagne, trois grands pays européens ont entamé des initiatives fortes pour façonner leurs secteurs respectifs, ce qui ne manque pas de créer des tensions avec la logique économique ainsi que des débats internes et externes. La Chaire EEM participera dans ces discussions en tant que source d’analyses. Son approche méthodologique sera rigoureusement « positive » et non « normative », tout en étant consciente que le secteur électrique ne peut pas exister dans un vide politique et social. Son rôle sera de faciliter la discussion formée par l’analyse économique et de contribuer à terme à l’émergence d’un espace européen de l’électricité commun. La valeur ajoutée des travaux de la Chaire résidera dans l’analyse formalisée et quantifiée de l’analyse institutionnelle. Cinq domaines de recherche se dessinent dans ce contexte :
1. L’arrivée de quantités significatives d’électricité produite par des énergies renouvelables intermittentes génère des impacts importants au niveau du système électrique entier qui nécessiteront étude et réponse dont (a) le surcoût de leur connexion notamment pour les éoliennes off-shore, (b) le renforcement intérieur des réseaux suite à la dé-optimisation du système avec un décalage croissant entre lieux de production et de consommation, (c) la constitution de réserves de moyens de production programmables disponibles à court terme pour répondre aux incertitudes de la production intermittente, (d) la constitution de réserves de capacité programmable disponibles pour répondre à de pics de demande journaliers et saisonniers, (e) la baisse des taux de charge et du prix moyen de l’électricité qui affectent la rentabilité des équipements programmables suite aux coûts variables très bas des renouvelables, ce qui rendra plus difficile la stimulation de nouveaux investissements et la préservation de la sécurité de fourniture électrique.
2. Les marchés de capacité, dont le design, le fonctionnement et la coordination européenne constitueront un autre domaine de recherche central de la Chaire EEM, apporteront une réponse pour le moins partielle aux incitations d’investissement inadéquates pour les moyens de production programmables. Les réflexions portent sur trois dimensions de ce problème (a) l’efficience de différents types de mécanismes de capacité (mécanisme ciblé ou généralisé, paiement fixe ou enchères centralisés etc.), (b) leur intégration et interaction avec des marchés « energy only » et (c) la nécessité d’une harmonisation des mécanismes de capacité entre pays pour profiter de couplages de marché et mutualiser les avantages du développement d’équipements flexibles dans chaque système.
3. Les travaux de l’axe 2 incluent l’analyse des conditions permettant aux contrats de long terme (y inclus « contrats pour différences », tarifs ou primes d’achat, ainsi que la cession de production à tarifs régulés) d’être réhabilités et intégrés dans des marchés libéralisés tout en préservant l’efficacité économique et la libre entrée. Cette réflexion se déroulera dans le contexte de la tension importante entre les tendances du marché électrique libéralisé (appuyé par des politiques de la concurrence limitant par réflexe plus que par analyse les contrats de long terme) et les objectifs européens de réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur électrique (Roadmap 2050). La réalisation de ces ambitions demande le déploiement à grande échelle de technologies bas carbone (nucléaire, renouvelables, CCS). Ces dernières sont pourtant tous caractérisées par d’importants coûts fixes qui nécessitent de nouveaux partages de risque entre producteurs, puissance publique et consommateurs. Au-delà de l’analyse de l’efficience des arrangements de long terme, la réflexion de la Chaire EEM portera sur la convergence des différentes initiatives nationales cherchant à articuler une libre formation des prix avec des objectifs sociaux et environnementaux.
4. Dans le contexte actuel, l’étude de l’intégration et du couplage des marchés européens de l’électricité est indispensable. Ceci inclura d’abord l’étude quantitative du degré effectif de convergence des différents marchés ainsi que les perspectives pour une convergence plus avancée à moyen terme. Ceci inclura également l’analyse des barrières restantes, soit-elles physiques (capacité limitée des interconnexions) ou institutionnelles. En ce qui concerne le financement des interconnexions, la Chaire entamera des études coût-bénéfice pour comparer les gains d’efficacité résultant d’une intégration des marchés approfondie avec le coût de la construction de capacité d’interconnexion plus amples.
5. De manière plus classique, la Chaire cherchera à contribuer à l’émergence d’un concept de pouvoir de marché pertinent pour le marché électrique où l’inflexibilité de la production et de la consommation peut favoriser l’émergence d’un pouvoir de marché « spontané » difficile à distinguer d’une rétention de capacité volontaire. L’étude des économies d’échelle (telle la capacité de mutualiser les coûts fixes sur différents marchés), la gestion des risques et des asymétries d’information ainsi que les coûts de transaction à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise en fera également parti.
Les travaux de l’axe 2 constituant la préoccupation centrale de la Chaire on s’attend qu’elle profite en particulier des contributions et de l’expertise des partenaires de la Chaire.
Les engagements annuels de l’axe 2
- La publication de deux articles d’analyse formalisée sur l’évolution des marchés européens de l’électricité dans des revues à comité de lecture ;
- Un séminaire international sur un des enjeux des marchés électriques européens mentionnés qui permettront l’échange entre experts, acteurs du marché et régulateurs ;
- Des réunions ad hoc sur demande des partenaires sur des enjeux qui demandent une mise en perspective rapide et informelle ;
- L’intégration d’un doctorant dont les recherches portent sur l’organisation des marchés européens de l’électricité.